Path or way from A to B – solution strategy concept
Les français réclament régulièrement une harmonisation des règles de la retraite entre le privé et le public comme un gage d’équité. Alors que propose la rapport Delevoye pour la fonction publique ? Et qu’est ce qui va changer ? Et bien presque tout !
Les français réclament régulièrement une harmonisation des règles de la retraite entre le privé et le public comme un gage d’équité.
Les réformes des années 2000 ont déjà contribué à rapprocher certains paramètres. Les niveaux de pension sont désormais sensiblement identiques et les fonctionnaires paient depuis … une cotisation qui les rapproche encore des salariés du privé….
« Encore, encore » ! réclame l’opinion publique dans les sondages et enquêtes, soupçonnant que demeurent des privilèges inavoués.
Alors que propose la rapport Delevoye pour la fonction publique ? Et qu’est ce qui va encore changer ?
Et bien presque tout.
C’est d’abord la conception même de la pension des agents publics que le projet propose de bouleverser.
Depuis la création des régimes publics aux 18eme et 19eme siècle, la retraite pour un fonctionnaire est considérée comme « une reconnaissance particulière de la nation » pour les services rendus, et répond à deux principes liés au statut des fonctionnaires : la relation entre le fonctionnaire et l’État n’est pas contractuelle. La pension, comme le statut, relève de la loi, et non du contrat ; surtout, la pension de retraite n’est pas une rente mais la continuation du traitement, que l’État continue de devoir à ses agents.
Au 20eme siècle, personne n’a encore remis en cause ces principes toujours régis par le code des pensions civiles et militaires.
Ni la loi du 20 septembre 1948 sur les pensions de retraite des fonctionnaires qui consacre le fait que ces derniers ne rejoindront pas le régime créé par le Conseil National de la Résistance, et qui, déjà, avait vocation à être universel.
Ni les réformes de ces dernières décennies -qui ont cependant rapproché les paramètres d’âge et de durée de cotisation-.
Ni même les injonctions de la cour des comptes qui plaide pour la création d’une caisse de retraite pour la fonction publique.
Et c’est par exception que les agents des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière relèvent de la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales. Cependant les règles de calcul de la pension y sont désormais identiques à celles de la fonction publique d’Etat.
Les contractuels quant eux n’étaient -jusqu’alors- pas considérés comme des fonctionnaires à part entière. Ils relèvent dont d’un dispositif hybride : au régime général du privé pour la retraite de base avec une complémentaire obligatoire spécifique.
C’est donc une mini révolution conceptuelle que s’apprêtent à vivre les fonctionnaires si la réforme proposée par Jean-Paul Delevoye va à son terme. Fini le lien exclusif avec le statut et le seul traitement indiciaire lié au grade et à l’échelon atteint à la fin de la carrière. L’Etat employeur public, comme tous les employeurs, versera une cotisation à la caisse de retraite, pour financer un régime unifié, le même pour tous. Et la retraite des fonctionnaires ne dépendra plus de leur grade, mais des points qu’ils auront cotisé pendant leur carrière.
Mais à part la philosophie du système, concrètement, qu’est-ce que ça change ? Presque tout.
- Assiette et taux de cotisations : tout change
L’assiette de cotisation est sensiblement modifiée.
Les fonctionnaires cotisaient jusqu’alors sur la totalité de leur revenu, hors prime (saut une partie d’entre elles dans un régime complémentaire par capitalisation).
Ils cotiseront désormais jusqu’à un plafond de 120 000 euros par an y compris la totalité des primes. Le plafond de 120000 ne change pas grand-chose : peu de fonctionnaires sont au-dessus. En revanche, l’intégration des primes a des conséquences sensibles : ceux qui avaient beaucoup de primes auront une meilleure retraite, moyennant un effort sur leur pouvoir d’achat pendant leur activité. Ceux qui avaient peu de primes ne subiront aucune conséquence sur leur pouvoir d’achat. En revanche les nouvelles modalités de calcul de la retraite, sur l’ensemble de la carrière, leur seront défavorables, et ne seront pas compensées par une augmentation de l’assiette de cotisation.
Une concertation sur ces thèmes doit s’ouvrir dans la fonction publique.
C’est peu dire que les taux de cotisation vont changer pour la fonction publique
Pour les agents titulaires et contractuels …encore un petit effort. L’augmentation progressive du taux devait amener les titulaires à 11,10 en 2020 (les contractuels y sont déjà). Ce sera 11,25 en 2025.
Du coté des employeurs, la FPH et la FPT payaient une cotisation de 30,65 %, elle passera à 16,87%.
L’Etat employeur ne paie pas une cotisation au sens propre, mais paie les retraites via un Compte d’Affectation Spéciale du budget : l’Etat paie aujourd’hui l’équivalent de 74,28 % de cotisation pour ses agents titulaires. Dans le futur système, une caisse sera créée à laquelle il versera 16,87% de cotisation.
- Est-ce à dire que les employeurs publics vont désormais économiser la différence ? Pas du tout. Car ils restent redevables des droits acquis, liquidés ou non (c’est-à-dire les pensions des retraités et les droits des actifs pour leur carrière antérieure à 2025). Ils seront également tenus de payer une contribution spécifique pour les droits spécifiques qui seront maintenus.
Ce n’est qu’à très long terme que le coût de la retraite pour les employeurs publics va diminuer.
Mais le rapport est assez ambigu sur un point : les employeurs publics devront-ils garantir le paiement de tous les droits acquis du passé ? ou seulement des droits spécifiques de la fonction publique ? dit autrement : qui paiera les écarts de rapport démographique entre la fonction publique d’Etat (1,3 cotisant pour 1 retraités), et le reste de la population (1,9)[1] ? S’il est légitime de mutualiser les évolutions démographiques pour l’avenir dans le cadre d’un régime universel, demander au secteur privé de financer la gestion des effectifs passée de la fonction publique d’Etat serait assez discutable…
Pour les contractuels la cotisation passera de 12,75% à 16,87%. Le point positif, c’est qu’il n’y aura plus de différence du coût de la retraite entre un contractuel et un titulaire, et donc plus de raison à arbitrage en faveur du recours aux contractuels.
Autre point positif : le rapport envisage ces harmonisations de taux et d’assiette sur un temps long, et suggère que les employeurs prennent temporairement à leur charge, en tout ou partie, les surcoûts pour les agents.
Tous ces changements ne seront pas sans conséquence sur les politiques salariales : le développement des primes visait justement à baisser les engagements de retraite de l’Etat employeur, et venait compenser pour certaines professions le gel du point d’indice. Désormais des marges de manœuvre s’ouvrent pour renégocier les évolutions de carrière et de rémunération.
- Le calcul de la pension : une toute autre logique
C’est le point qui inquiète le plus les agents. Le régime actuel à « prestation définie » leur garantissait 75 % de leur dernier traitement indiciaire. Demain, seul le niveau des cotisations sera défini. Et les droits à retraite seront acquis sur l’ensemble des rémunérations de toute la carrière. A première vue, ça a l’air moins avantageux.
Pas si sûr …
Gel du point, ralentissement des carrières, attributions de primes, embauches de contractuels… toutes ces stratégies sont utilisées pour modérer les coûts croissants des retraites publiques, et notamment l’effet « 6 derniers mois ». Dans certains secteurs la promotion de fin de carrière existe encore. Mais rarement dans les catégories les moins élevées.
La disparition de cette garantie de fin de carrière pourrait redonner du grain à moudre pour l’emploi, les carrières et les rémunérations.
Mais une autre disposition du projet pourrait permettre à certains fonctionnaires de compenser en partie : la revalorisation sur le salaire moyen par tête. En résumé les points acquis pendant la carrière seraient mieux revalorisés au fil des ans que la rémunération d’un agent qui aurait une carrière plate, et donc sa retraite plus favorable.
En tout état de cause pas de panique ! la transition sera longue et les conséquences sur le taux de remplacement tarderont à se faire sentir. La partie de carrière réalisée avant 2025 restera calculée sur les anciennes règles. Seule question qui n’est pas tranchée dans le rapport : quel sera l’indice retenu pour calculer les droits passés ? Celui détenu au 31/12/2024, ou un indice projeté de fin de carrière ? on imagine que les syndicats seront attentifs à cette question dans la concertation.
Les services actifs, les droits familiaux, la réversion changent aussi… A suivre sur le blog ici : https://repartition.home.blog/?p=259
[1] COR 2017
Un commentaire sur “Qu’est-ce qui change pour les fonctionnaires dans la future réforme des retraites ? Part 1”